Modéraddiction

Photo d'une personne utilisant deux ordinateurs portables côte à côte.
Crédit photo : freestocks via Unsplash.

Pour ceux qui ne me connaissent pas, j'ai à mon actif plusieurs années d'expérience en ce qui concerne la modération de communautés en ligne.

Des salons IRC aux serveurs Discord en passant par les jeux en ligne, ce temps passé à modérer les actions de divers utilisateurs sur Internet n'est pas sans conséquences sur la santé mentale ni sur les relations sociales.


Tout a commencé avec un mystérieux bracelet une envie de maintenir l'ordre établi dans les communautés auxquelles je participais. Cela dit, j'étais bien plus jeune et mes intentions n'étaient pas forcément nobles : le résultat était convenable, mais il découlait d'un besoin de pouvoir et de supériorité.

J'ai naturellement couru après les permissions, les droits, les rôles, les rangs… peu importe le nom, j'avais ce besoin de sortir du lot et d'avoir plus de pouvoir. Gagner en maturité avec le temps me fait bien évidemment grincer des dents lorsque je repense à celui que j'étais, mais je suis d'avis qu'il ne faut pas renier ce passé en raison des leçons que l'on peut en tirer.

Si j'expose à travers ce billet un comportement regrettable, il est important de noter qu'il ne s'agit pas là d'un cas isolé : cette attitude aurait tendance à se démocratiser, les réseaux sociaux accueillant des utilisateurs de plus en plus jeunes qui auront tendance à se regrouper spécifiquement entre eux.

Les modérateurs concernés seront généralement dans le déni, les confronter à ce sujet n'est donc pas chose aisée et nécessitera beaucoup de tact si vous souhaitez être entendu, sans risquer d'être exclu ou réduit au silence.

Si vous gérez une communauté, le mieux à faire est encore de ne pas encourager ces comportements en vous assurant des intentions des personnes que vous recrutez au sein de votre équipe.

Si vous êtes membre d'une communauté dont un modérateur est concerné, alors le mieux à faire est encore de vous adresser à une personne hiérarchiquement supérieure afin d'exposer calmement vos inquiétudes. Si cela n'est pas possible, alors il ne restera que deux choix : tolérer la situation ou se désengager.


Quelques années plus tard, la modération est devenue pour moi une activité bénévole à plein temps, la passion ayant tout bonnement pris le dessus.

Bien que mes intentions égocentriques aient laissé la place à des envies plus altruistes, il s'agit bien de la période de ma vie que je considère comme ayant été la plus dommageable, autant sur le plan mental que relationnel.

Je passais mes journées sur l'ordinateur à discuter en ligne, modérer les contenus, maintenir des outils de modération, répondre aux demandes… à tel point que j'ai fini par négliger tout le reste. C'était bien une addiction, sans aucun doute.

L'impact fut sans appel : conflits, insomnies, irritabilité, isolement, stress, etc.

Lorsque j'ai compris que ma vie était hors de contrôle, j'étais totalement dépassé par les événements. C'est à ce moment-là que j'ai pris la décision radicale de me retirer de tout cela en supprimant définitivement mon compte.

Avec le recul d'aujourd'hui, cela peut sembler ridicule, mais combattre cette addiction a demandé une volonté d'acier. Je m'y suis pourtant tenu, j'ai attendu les deux semaines nécessaires sans me reconnecter à mon compte pour le réactiver, il a donc été supprimé comme je le souhaitais, et comme il le fallait.

Les addictions ne sont pas à prendre à la légère. Il est très important de les identifier autant chez soi que chez nos proches, car les risques sont nombreux et peuvent parfois avoir des répercussions permanentes sur une vie. Aucun engagement ne justifie de telles conséquences, c'est sans équivoque.

Par chance, très peu de temps après avoir supprimé mon compte, j'ai été contacté par téléphone pour une offre d'emploi. J'ai ainsi décroché mon premier poste et déménagé en région parisienne, ce qui m'a permis de démarrer ma vie professionnelle et d'arriver là où j'en suis aujourd'hui.


Suite à ces événements, je suis lentement revenu sur les réseaux sociaux avec un compte alternatif, lequel était très peu utilisé et ne possédait aucun accès administratif dans les communautés dont je modérais les contenus.

Cette reprise graduelle m'a permis d'avoir une approche plus saine en ce qui concerne mes activités bénévoles. Je n'ai accepté que les positions que je pouvais assumer sans craintes, le tout en posant des limites autant pour moi-même que vis-à-vis des autres volontaires.

Je ne regrette pas mon parcours, ces expériences ont forgé la personne que je suis aujourd'hui. Il faut cependant garder à l'esprit que la santé mentale passe avant tout et doit impérativement primer sur tout engagement bénévole, peu importe la noblesse de nos intentions lorsque ceux-ci ont été pris.

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Date de dernière mise à jour : le 22 juin 2023 à 23:00 (UTC).